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Boris Vian (1920-1959) a écrit la chanson « Le Déserteur » en 1954. Elle raconte l’histoire d’un conscrit, qui écrit une lettre au Président pour lui annoncer sa décision de déserter et qui encourage tout le monde à faire de même. Cette chanson a suscité, à l’époque de sa création, une grande polémique et sa première version publique a été interdite, en France, pendant toute la durée de la guerre d’Indochine.

Tout le monde connaît évidemment Boris Vian. Ingénieur, écrivain, chanteur, musicien de jazz, scénariste, acteur, peintre et traducteur, il était le deuxième enfant d’une famille aisée qui aimait toutes les manifestations artistiques; sa mère jouait du piano et de la harpe, son père était traducteur d’anglais et d’allemand et écrivait de la poésie. Mais on a un peu oublié le contexte laborieux dans lequel a été créée sa chanson « Le Déserteur ».

On connait plusieurs versions à cette chanson

Le 15 février 1954, Boris Vian écrit Le déserteur sur le coin de la table d’un restaurant parisien et propose sa chanson à de nombreux artistes. De tous ceux qu’il approche, seul Mouloudji acceptera de l’interpréter et il l’enregistrera le 14 mai 1954. Sa version, pourtant « adoucie » par rapport à la chanson originale est immédiatement censurée sur les ondes et le disque, un 45 tours publié en avril 1955, en pleine guerre d’Algérie, sera, quelque temps plus tard, retiré du commerce pendant de longues années. L’interdiction ne sera levée qu’en 1962.

Ainsi, « Monsieur le Président » avait été remplacé par « Messieurs qu’on nomme grands » ; « ma décision est prise, je m’en vais déserter » était aussi remplacé par « les guerres sont des bêtises, le monde en a assez  » etc… Mouloudji reviendra, plus tard, sur la polémique entourant la chanson: « En 1954, beaucoup de journalistes m’ont reproché d’avoir édulcoré Le déserteur. Mais ils n’avaient qu’à venir au moment où je l’ai créée: ils auraient vu que je m’appelais Mouloudji, que j’avais un nom arabe et que j’ai créé cette chanson le jour de la prise de Dien Bien Phu! »

Écoutons donc, en tout premier lieu, cette version « adoucie » et interdite malgré tout, interprétée par Mouloudji dans une vidéo où l’on peut entendre un Mouloudji vieillissant côtoyer un Mouloudji dans la force de l’âge:

Marcel Mouloudji interprète Le Déserteur

Une chanson pacifiste

La chanson Le Déserteur est une chanson qui est aussi très connue internationalement et qui a été traduite en plusieurs langues.

Joan Baez

Dans les années 1970, pendant la guerre du Vietnam, la chanson a été utilisée pendant des marches pacifistes et interprétée par Joan Baez et Peter, Paul and Mary. En 1991, elle a également été utilisée durant des manifestations contre l’intervention occidentale dans la guerre du Golfe. Renaud a adapté la chanson qu’il a publiée dans « L’Idiot international » le 9 janvier 1991.

Mais en terre de France, le sujet reste brûlant : une directrice d’école dans une commune du centre de la France, fut suspendue à vie de toute direction d’établissement pour l’avoir fait chanter à deux élèves, le 8 mai 1999, pour commémorer la capitulation allemande du 8 mai 1945.

Cette chanson donne toujours lieu à des commentaires animés plus de cinquante ans après sa création. La légende s’enrichit, ou se déforme selon les témoignages et les interprétations qui en sont données. En particulier sur les variations et modifications du texte initial. Boris Vian avalisera une partie des « adoucissements » de la version « Mouloudji » lorsqu’il enregistrera lui-même la chanson, mais en y réintroduisant le notion de « désertion » que Mouloudji ne pouvait se permettre d’aborder. Et c’est cette version qui connaîtra la plus large diffusion et dont nous retrouvons le texte ci-dessous, version que je vous propose maintenant de réentendre.

Boris Vian interprète Le Déserteur

La version non-censurée

Dans sa version originale, la chanson « Le Déserteur » s’était toutefois quelque peu éloignée de sa source « pacifiste » puisque le dernier couplet de la chanson se faisait menaçant et se disait comme suit:

Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que j’emporte des armes
Et que je sais tirer

Le journaliste, chanteur et musicien français,  Marc Robine, que nous entendrons maintenant, a recréé cette version non-altérée qui date donc d’avant la censure de 1954 et qui est, en tout point, fidèle à la version initialement écrite par Boris Vian le 15 février 1954. Personnellement, c’est cette très belle  interprétation que je préfère et cela, tout à fait indépendamment du texte « reconstitué ». La voix rugueuse et chaude de Marc Robine me semble convenir tout particulièrement au ton engagé de la chanson.


Marc Robine interprète « Le Déserteur » (version intégrale non-censurée) 2008

La lecture du « Déserteur »

Le texte de la chanson a aussi donné lieu à de nombreuses lectures. Nous avons le bonheur de pouvoir vous proposer, en terminant cette chronique, la très prenante lecture, résolument « pacifiste », qu’en a donné le comédien Jean Rochefort que je vous invite maintenant à écouter:


Jean Rochefort lit « Le Déserteur » de Boris Vian


Sources: Wikepedia et Guy Allix, Quelque part entre silence et fureur

Le déserteur

Paroles de Boris Vian et musique de Boris Vian et de Harold Berg

Monsieur le président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps.

Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir.

Monsieur le président
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens.

C’est pas pour vous fâcher,
Il faut que je vous dise,
Ma décision est prise,
Je m’en vais déserter.

Depuis que je suis né,
J’ai vu mourir mon père,
J’ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants.

Ma mère a tant souffert
Qu’elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers.

Quand j’étais prisonnier,
On m’a volé ma femme,
On m’a volé mon âme,
Et tout mon cher passé.

Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes,
J’irai sur les chemins.

Je mendierai ma vie
Sur les routes de France,
De Bretagne en Provence
Et je crierai aux gens:

« Refusez d’obéir,
Refusez de la faire,
N’allez pas à la guerre,
Refusez de partir. »

S’il faut donner son sang,
Allez donner le vôtre,
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le président.

Si vous me poursuivez,
Prévenez vos gendarmes
Que je n’aurai pas d’armes
Et qu’ils pourront tirer.

* * *

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