Articles Tagués ‘Nelligan’

Pour lire les commentaires sur cet articlecliquez ici

Ah que finisse la blanche saison  !

Au Québec, il n’y a que deux façons de survivre à l’hiver. L’affronter ou le fuir. Aujourd’hui, l’hiver est devenu, par nécessité sans doute, la saison de toutes les misères. Nos ancêtres l’avaient pourtant bien compris, eux. L’hiver c’était la saison du repos, des activités d’intérieur, des soirées au coin du feu ou des visites entre voisins, à danser et turluter. D’avril à octobre on trimait dur; et la saison morte, c’était l’hiver. (1)

Personnellement, c’est dans la fuite, une fuite totale et absolue, que j’ai trouvé le salut ! Comme l’ours au fond de sa tanière, j’ai choisi de me rouler en boule et d’hiberner. Mais quand on passe tout l’hiver à la fenêtre, le temps s’étire et l’hiver tarde à passer. Alors, comme le dit Vigneault, notre seul désennuie, c’est de nous ennuyer. Et quoi de mieux que des chansons sur l’hiver pour  » s’ennuyer » de belle façon.

(1) L’hiver de Vigneault

Cette chanson a été écrite par Gilles Vigneault en 1967 et c’est la québécoise Pauline Julien qui nous la chante. La chanson évoque la « vie de chantier » des travailleurs forestiers québécois pendant toute la première moitié du XX siècle. Vie de chantier qui ne disparaitra qu’au milieu des années 50 avec la mécanisation du travail en forêt.

Qu’ils aient été bûcherons, cageux ou draveurs, les hommes partaient en forêt pour la durée de la saison de coupe, soit quatre ou cinq mois, pendant que la femme tenait la maison. Les enfant bien évidemment – et ils étaient souvent nombreux – mais aussi les vieux parents quand il y en avait. Et c’est de l’ennui, de la solitude et de l’isolement de ces femmes dont Vigneault nous parle dans sa chanson.

Au début des années 60, le répertoire de Pauline Julien se compose presque exclusivement de chansons d’auteurs québécois. Au cours de la décennie suivante, la carrière de Pauline Julien sera marquée par son engagement politique (elle sera incarcérée lors de la tristement célèbre Crise d’Octobre 70). Pauline Julien deviendra une figure éminente de l’affirmation nationale québécoise et de l’action féministe. Atteinte d’aphasie dégénérative et ne supportant plus de ne pas pouvoir chanter, elle mettra fin à ses jours, le 1er octobre 1998.

Pauline Julien – Ah que l’hiver (1967)


AH! QUE L’HIVER

Paroles et musique: Gilles Vigneault

Ah! que l’hiver tarde à passer
Quand on le passe à la fenêtre
Avec des si et des peut-être
Et des vaut mieux pas y penser
L’homme est parti pour travailler
La femme est seule seule seule
L’homme est parti pour travailler
La femme est seule à s’ennuyer

Ah! que le jour tarde à venir
Quand on se lève avec l’étoile
Et on a beau lever la toile
La nuit s’étire à ne plus finir
L’homme est parti c’est au chantier
La femme est seule seule seule
L’homme est parti c’est au chantier
La femme est seule à s’ennuyer

Ah! que le jour est donc pas long
Que la noirceur vient donc d’avance
Quand l’homme est loin c’est pas la danse
Il faut rester à la maison
L’homme a bûcher et charroyer
La femme est seule seule seule
L’homme a bûché et charroyé
La femme est seule à s’ennuyer

C’est du dedans c’est du dehors
La femme attend l’homme voyage
Il y a beau temps il a bel âge
Depuis la vie jusqu’à la mort
L’homme est porté à voyager
La femme est seule et reste seule
L’homme est porté à voyager
La femme est seule à s’ennuyer

« Excuse les fautes et le papier
Mais j’étais pas maîtresse d’école
Je tiens la maison je tiens ma parole
Ti-Jean est arrivé le premier
Je sais que t’es parti pour travailler
Je tiens la maison je fais pas la folle
Je sais que t’es parti pour travailler
Mon désennui c’est de m’ennuyer

Ils ont parlé d’un gros moulin
Au lac d’En-Haut ça ferait de la gagne
C’est peut-être des plages sur les montagnes
Mais je t’aurais du soir au matin
T’auras fini de t’éloigner
C’est peut-être des plages sur les montagnes
T’auras fini de t’éloigner
J’aurai fini de m’ennuyer

Avant de donner ma lettre à Jean
Je veux te dire en post-scriptum
Que la maison, quand il y a pas d’homme
C’est comme un poêle éteint tout le temps
Je t’embrasse encore avant de signer
Ta talle d’amour, Ta Rose, Ta Jeanne
Je t’embrasse encore avant de signer
Ta Rose-Jeanne bien-aimée… »

(1) Source: Bernard Arcand, Abolissons l’hiver!

(2) L’hiver de Léveillée

L’hiver de Léveillé c’est aussi et encore, l’hiver de Vigneault puisque les paroles de cette chanson sont du grand Gilles. Mais l’hiver y devient subitement la saison du « désir » et c’est davantage une chanson d’amour qu’une chanson d’hiver que nous chante ici Claude Léveillée.

Cette chanson est tirée du premier album qu’a enregistré Léveillée, au tout début des années 60 (Les vieux pianos, Frédéric, La légende du cheval blanc, Le rendez-vous, Emmène-moi au bout du monde, etc…) album qui lui permettra de devenir, au Québec, le chansonnier le plus populaire pendant presque deux décennies.

Claude Léveillée – L’hiver (Paroles: Gilles Vigneault / Musique: Claude Léveillée) 1963

L’HIVER

Paroles: Gilles Vigneault, musique: Claude Léveillée

Ah! que les temps s’abrègent
Viennent les vents et les neiges
Vienne l’hiver en manteau de froid
Vienne l’envers des étés du roi
Même le roi n’aura point oreille
À maison vieille où déjà ta voix

File un air de chanson d’amour
Au rouet des jours
Qui tourne à l’envers
Dans le feu tout le bois passé
Qui s’est entassé
Au temps de nous deux
Au jardin des vieux livres
Fleur de gel et de givre
Et par les nuits de haute rafale
À la maison comme à ton traîneau
J’attellerai comme une cavale
La poudrerie et très haut

Par-dessus les lacs, les bois, les mers, les champs, les villes,
Plus haut que les plus hauts jeux du soleil qui dort immobile
Nous irons par les chemins secrets de l’univers
Pour y vivre le pays qui nous appelle à ciel ouvert
Hors du temps, au gré de l’espace
Fiers de nos corps plus beaux
Éternels comme froids et glaces
Seuls comme des oiseaux
Vienne la blanche semaine
Ah! que les temps ramènent
L’hiver!

(3) L’hiver de Nelligan:

L’hiver de Nelligan est une saison de tristesse et d’angoisse. « Pleurez, pleurez, oiseaux de février…. » Sans doute le plus célèbre des poèmes du jeune Émile Nelligan, « Soir d’hiver » est une longue méditation sur la douleur de l’absence…

Émile Nelligan est né à Montréal en 1879, d’un père irlandais et d’une mère québécoise,  Dès ses premières années, Nelligan sombre dans une profonde mélancolie. Il ne peut s’astreindre à des études suivies. À partir de seize ans, il publie dans divers journaux des poèmes d’une inspiration étrange, morbide, mais géniale, à la fois parnassienne et symboliste. À dix-neuf ans « sombré dans l’abîme du rêve », il est hospitalisé dans une maison de santé où il séjournera jusqu’à la fin de ses jours. Destin tragique! 100 ans plus tard, on aurait sans doute conclu qu’il était d’un tempérament « mélancolique » ou « dépressif » mais pas qu’il était « fou »!

Écoutons la chanteuse et comédienne québécoise, Monique Leyrac, chanter « Soir d’hiver » de Nelligan sur une musique de Claude Léveillée. Monique Leyrac est celle qui bâtit, au milieu des années 70, tout un spectacle musical sur des poèmes de Nelligan. Ce spectacle fut joué et repris régulièrement au cours des années qui suivirent, au Québec, au Canada et en France et il fit l’objet d’un album intitulé « Monique Leyrac chante Nelligan » d’où est tirée la très belle chanson Soirs d’hiver que je vous propose maintenant d’écouter.

Source: Émile Nelligan


Monique Leyrac – Soir d’hiver (Poème de Nelligan  / Musique de Claude Léveillée)

Soir d’hiver (de Émile Nelligan)

Paroles de Émile Nelligan – Musique de Claude Léveillée

Ah ! comme la neige a neigé !
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah ! comme la neige a neigé !
Qu’est-ce que le spasme de vivre
A la douleur que j’ai, que j’ai !

Tous les étangs gisent gelés,
Mon âme est noire : Où vis-je ? où vais-je ?
Tous ses espoirs gisent gelés ;
Je suis la nouvelle Norvège
D’où les blonds ciels s’en sont allés.

Pleurez, oiseaux de février,
Au sinistre frisson des choses,
Pleurez, oiseaux de février,
Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses,
Aux branches du genévrier.

Ah ! comme la neige a neigé !
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah ! comme la neige a neigé !
Qu’est-ce que le spasme de vivre
Ah ! tout l’ennui que j’ai, que j’ai !

Nelligan vu par la peintre québécois Jean-Paul Lemieux

Nous avons besoin de votre soutien !

Abonnez-vous au site « J’ai la mémoire qui chante » et contribuez à la promotion de la grande et de la belle chanson d’expression française !

EN VOUS ABONNANT TOUT À FAIT GRATUITEMENT AU SITE « J’AI LA MÉMOIRE QUI CHANTE », VOUS NE COUREZ ABSOLUMENT AUCUN RISQUE sauf celui d’être informé, dès la parution d’une nouvelle chanson !

Pour ce faire, il vous suffit tout simplement d’entrer votre adresse courriel (votre email) en utilisant le formulaire d’abonnement  que vous trouverez, au bas de la présente page !

Visitez notre nouvelle page sur Facebook