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Bernard Dimey: poète chansonneur du XXème siècle

Poète avant tout et véritable amoureux des mots, Bernard Dimey est resté longtemps dans l’ombre de ses chansons qui ont pourtant fait le succès de leurs nombreux interprètes: Charles Aznavour, Henri Salvador, Zizi Jeanmaire, Bourvil, Jean Sablon, Jean-Claude Pascal, Les Frères Jacques, Michel Simon,  Mouloudji, Serge Réggiani, pour ne nommer que ceux-la. Tout le monde connait « Mon truc en plume » que chantait Zizi Jeanmaire, et la très envoutante chanson « Syracuse » que Bernard Dimey a co-écrite avec Henri Salvador. Vous souvenez peut-être aussi des Frères Jacques qui chantaient « Frédo » ou  « Le quartier des Halles » et de Mouloudji  racontant « Une soirée au Gerpil » ou Reggiani chantant l’émouvante « Si tu me payes un verre » ou encore Michel Simon avec sa « Mémère ». Et bien toutes ces chansons sont nées de la plume de Bernard Dimey.

Il obtiendra le prix Charles Cros avec « Ivrogne et pourquoi pas », qu’il clame comme une profession de foi (il n’a jamais cherché à cacher sa dépendance). Le cinéma lui fait de l’oeil, il tourne un peu, impressionne la pellicule. Il a également écrit des scénarios et dialogues pour le cinéma : « Détournement de mineures«  (1959) de Walter Kapps, « Le magot de Josepha » (1964) de Claude Autant-Lara, « Deux heures à tuer » (1965) de Ivan Govar ou « Le dernier mélodrame » (1978) de Georges Franju. De plus, il produit une série d’émissions de télé et multiplie les galas.

Le creux de la vague

La vague de yéyé évince les chansons à texte. Le fisc, que Bernard a toujours trop négligé, lui vide les poches et son compte en banque. Les huissiers font des courants d’air dans sa maison, sa femme le quitte.
Sur la péniche de l’Armée du Salut, il rejoint les clochards, mais les dieux en ont décidé autrement. Il rencontre Yvette Cathiard et sa vie repart une seconde fois. Les soirées se passent aux cabarets, trois spectacles par soir, où Dimey s’ouvre et se donne, le coeur éclaté sous les projecteurs de ces petites scènes. Il crée, avec des amis, la maison de disques DÉESSE. S’ensuivent sept albums où Bernard dit des textes, et quinze ans d’amitié, de repas pantagruéliques, de jouissance du verbe et des voyages en Egypte, au Québec …

Comme première chanson, je vous propose maintenant d’écouter Serge Reggiani chanter l’une des plus célèbres – et sans doute aussi sa plus belle – chanson composée par ce chansonneur au talent exceptionnel qu’était Bernard Dimey.


Serge Reggiani chante « Si tu me payes un verre » (de Bernard Dimey)

SI TU ME PAYES UN VERRE

Paroles: Bernard Dimey

Si tu me payes un verre, je ne te demanderai pas
Où tu vas, d’où tu viens, si tu sors de cabane
Si ta femme est jolie ou si tu n’en as pas
Si tu traînes tout seul avec un coeur en panne
Je ne te dirai rien, je te contemplerai
Nous dirons quelques mots en prenant nos distances
Nous viderons nos verres et je repartirai
Avec un peu de toi pour meubler mon silence

Si tu me payes un verre, tu pourras si tu veux
Me raconter ta vie, en faire une épopée
En faire un opéra… J’entrerai dans ton jeu
Je saurai sans effort me mettre à ta portée
Je réinventerai des sourires de gamin
J’en ferai des bouquets, j’en ferai des guirlandes
Je te les offrirai en te serrant la main
Il ne te reste plus qu’à passer la commande

Si tu me payes un verre, que j’ai très soif ou pas
Je te regarderai comme on regarde un frère
Un peu comme le Christ à son dernier repas
Comme lui je dirai deux vérités premières
Il faut savoir s’aimer malgré la gueule qu’on a
Et ne jamais juger le bon ni la canaille
Si tu me payes un verre, je ne t’en voudrai pas
De n’être rien du tout… Je ne suis rien qui vaille

Si tu me payes un verre, on ira jusqu’au bout
Tu seras mon ami au moins quelques secondes
Nous referons le monde, oscillants mais debout
Heureux de découvrir que si la terre est ronde
On est aussi ronds qu’elle et qu’on s’en porte bien
Tu cherchais dans la foule une voix qui réponde
Alors, paye ton verre et je t’aimerai bien
Nous serons les cocus les plus heureux du monde

« Ma femme est un bijou… »

Si certains de ses textes ont été mis en chansons, beaucoup s’accommodent aussi bien d’être dits. L’auteur a ainsi enregistré plusieurs albums où il dit, lui-même, ses textes, généralement sur un fond discret d’accordéon. L’extrait que je vous propose maintenant d’écouter est de cet ordre. Écoutons donc Bernard Dimey dans un savoureux  monologue où il préfigure un mari, tout aussi niais que trompé, monologue qu’il a intitulé « Les amants de ma femme ». Ce texte a d’ailleurs été mis en musique et chanté par Jehan ce merveilleux compositeur du Midi de la France qui interprète des chansons en s’inspirant de la tradition des « trouvères« .

Bernard Dimey dit « Les amants de ma femme » (Bernard Dimey)

La fille retrouvée de Bernard

Bernard Dimey a découvert sur le tard qu’il avait une fille.. Mais sa fille Dominique n’a jamais vécu avec lui. Elle n’a rencontré son père qu’à l’âge de 20 ans en venant vivre à Paris dans des circonstances, comme elle le souligne elle-même « dignes d’un Roman » (qu’elle ne raconte d’ailleurs pas). Mais en retrouvant sa fille, Bernard Dimey renait une dernière fois. Bernard est fou de bonheur et pendant des semaines, il trimballe Dominique pour la présenter à ses amis (et ils sont nombreux).  Leur histoire est très singulière. Petit à petit, la fille découvre son père. Et Dominique ajoute que « …certaines blessures se sont cicatrisées et je mesure aujourd’hui combien dans les mots et la musique, dans la poésie et le goût profond de la vérité et de la liberté, mes liens avec ce père hors du commun sont grands. »

Dominique Dimey, la fille retrouvée de Bernard, a composé une très belle et très tendre chanson sur son père pour lui rendre hommage, chanson que je vous propose maintenant d’écouter.


Dominique Dimey chante « Chanson pour Bernard » (1993)

Chanson pour Bernard

Paroles et musique de Dominique Dimey (sa fille)

Dis, où est-il ce grand chemin
Qui mène à toi ?
Tu as filé trop vite
Je ne retrouve plus
La trace de tes pas
Tu es parti là-bas

Depuis que tu es parti là-bas
Je ne comprends pas, j’ai toujours froid
Si mes yeux sont devenus moins bleus
Tu as dû en emporter un peu !
Tu m’avais dit, il y a dix ans
« T’inquiète pas, j’en ai pas pour longtemps,
Après on partira tous les deux
Voir Syracuse, on s’ra heureux »

(au Refrain)

Aux amis, j’ai parlé du voyage
Dont tu rêvais depuis ton jeune âge
J’ai si peur qu’ils me posent des questions
Si jamais ton retour devient long,
Pourrais-tu m’envoyer une photo
Avec un paysage, des oiseaux ?
N’oublie pas de me glisser un mot
Juste une phrase qui me tienne chaud

(au Refrain)

Sans toi, y a plus de feu d’artifice
Tous nos instants de folie complice
Ma vie est froide comme la faïence
Des grandes mosquées bleues de Byzance
Si demain tu dévoiles ton secret,
De ton chemin donne-moi la clé,
Je veux enjamber la terre entière
Aller te rejoindre, toi, mon père !

(au Refrain)

« Bernard Dimey n’est pas mort le 10 mai »

Mais le bonheur de Bernard Dimey avec sa fille retrouvée sera malheureusement d’assez courte durée puisqu’il mourra prématurément, sans doute usé par la vie, le 1er juillet 1981 à l’âge d’à peine cinquante ans.

Pour conclure ce trop bref  hommage au talentueux poète et chansonneur que fut Bernard Dimey, je vous propose maintenant d’entendre une autre chanson-hommage que lui a rendu l’auteur-compositeur Jacques Debronckar. Accompagnateur de Bobby Lapointe et de Maurice Fanon, Jacques Debronckart qui mourra lui-aussi, prématurément, avant d’atteindre la cinquantaine, fut particulièrement touché par la disparation de Bernard Dimey. Il composa cette chanson à peine deux ans avant de disparaître à son tour.  Comme le dit Debronckart dans sa chanson « Un jour, dans quelques années, oh pas beaucoup, on vous dira: « Vous l’avez connu, vous ? » et vous partirez un peu vexé mais le coeur bien triste » 

Non, Bernard Dimey n’est finalement pas mort le 10 mai…. mais, à chaque année, aux alentours du 10 mai, un festival lui est maintenant consacré dans sa ville natale de Nogent.

Source: Dimey Père et Fille

Jacques DEBRONCKART (1934-1983) chante « Bernard DIMEY » (1931-1981)

« Bernard DIMEY » par Jacques Debronckart

Paroles et musique: Jacques Debronckart

Bernard Dimey
N’est pas mort le 10 mai
On aurait cru
Qu’il l’avait fait exprès
L’est mort le premier
Juillet au matin
Et rudement bien

Dans son cercueil
Il avait l’air hautain
Volant à sa hauteur
Pour la première
Et la dernière fois
De sa carrière
Très haut, très loin

Avec ses pas
Tout à fait
Cinquante ans
C’était un beau vieillard
Un bel enfant
Il avait parcouru les océans
De l’amertume

Connu la chance aussi
Mais pas l’argent
Un peu la gloire
Les applaudissements
Pauvre ou moins pauvre
Je l’ai toujours vu dans
Le même costume

Ayant dit
Ce qu’il avait à nous dire
Il tourne au ciel
Sur un cheval de cire
Il nous fait des grimaces
Et des sourires
Pleins de malice

Un jour dans quelques années
Pas beaucoup
On vous dira
« Vous l’avez connu, vous! »
Vous partirez vexé
Souvenir flou
Et coeur bien triste

Si j’avais su
Bien sûr si on savait
On regarderait les gens
De plus près
Quand tombe le rideau
Quand part le train
Y a plus moyen

Bernard Dimey
N’est pas mort le 10 mai
On aurait cru
Qu’il l’avait
Fait exprès
L’est mort le premier
Juillet au matin
Et rudement bien

« Quand je serai mort, vous verrez on dira du bien de moi ! »   Bernard Dimey

Lire la biographie de Bernard Dimey

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