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Le fantôme de Jersey
De toutes les chansons écrites par Léo Ferré – et elles sont fort nombreuses – la chanson » La Mémoire et la mer » constitue une véritable pièce d’anthologie. Un texte digne de figurer dans les plus grands recueils de poésies. Une musique sobre, mais combien émouvante, qui ajoute en évocation aux paroles de la chanson. Sans doute une des plus puissantes chansons de Léo Ferré, des mots à la hauteur de ceux de ces chers poètes qu’il a tant aimé chanter ! Un texte que son auteur a lui-même qualifié « d’éminemment personnel et que personne n’aurait dû comprendre » et qui, pourtant, a connu un étonnant succés.
Léo découvre le « fantôme de Jersey » lors d’une escapade sur l’île Du Guesclin, où il résida. Le fantôme Jersey est un phénomène naturel, une espèce de ligne brumeuse que l’on aperçoit au lointain quand on se trouve sur l’île Du Guesclin, et qui laisse croire à une émanation fantomatique de l’île anglo-normande qu’est Jersey. Léo Ferré y plante donc le décor d’une simple partie de pêche où est capturé un bar, dont les écailles sont rendues brillantes par la magie de l’éclat lunaire. Et voilà campée une partie du mystère, de l’atmosphère toute brumeuse de cette extraordinaire chanson de Léo Ferré que je vous propose maintenant de redécouvrir.
« La mémoire et la mer » – Léo Ferré
La mer et la mémoire dans une voix
Le comédien Philippe Léotard nous propose aussi une interprétation « parlée » tout aussi saisissante de la même pièce. Avec sa voix de marin à terre « un bateau dans les dents, des étoiles dans la voix », Philippe Léotard nous livre le texte de son ami Léo Ferré, du haut de son physique de boxeur, comme s’il était porteur d’un ultime message. « Maladroit et bouleversant, entre sanglots et bravades, il s’avance vers le micro comme vers la guillotine ».
(1) Source: La mer et la mémoire dans une bouteille
Philippe Léotard dit « La mémoire et le mer »
On a marché sur l’amour
Je viens enfin de mettre la main sur cette très belle interprétation de la chanson « La mémoire et la mer » de la québécoise Renée Claude et je n’ai pu résister à l’idée de l’ajouter sous celles de Ferré et de Léotard. Pour nos auditeurs d’outre-mer pour qui le nom de Renée Claude n’est peut-être pas aussi familier, rappelons que Renée Claude est une chanteuse et actrice québécoise née en 1939. Bien qu’elle ne soit pas, elle-même, auteur-compositeur, on associe presque toujours Renée Claude à ce mouvement puisque son répertoire est puisé presque exclusivement auprès des chansonniers français et québécois. Renée Claude montera notamment, en 1993, un spectacle-hommage à Léo Ferré intitulé « On a marché sur l’amour », spectacle d’où est extraite la chanson que vous entendrez ci-dessous.. Ferré mourra quelques jours seulement avant la première, ce qui donnera une dimension encore plus émouvante à son tour de chants.
Source: Wikipedia
Renée Claude chante « La mémoire et la mer » (1993)
La mémoire et la mer
par Léo Ferré (parole et musique)
La marée, je l’ai dans le cœur
Qui me remonte comme un signe
Je meurs de ma petite sœur, de mon enfance et de mon cygne
Un bateau, ça dépend comment
On l’arrime au port de justesse
Il pleure de mon firmament
Des années lumières et j’en laisse
Je suis le fantôme jersey
Celui qui vient les soirs de frime
Te lancer la brume en baiser
Et te ramasser dans ses rimes
Comme le trémail de juillet
Où luisait le loup solitaire
Celui que je voyais briller
Aux doigts de sable de la terre
Rappelle-toi ce chien de mer
Que nous libérions sur parole
Et qui gueule dans le désert
Des goémons de nécropole
Je suis sûr que la vie est là
Avec ses poumons de flanelle
Quand il pleure de ces temps là
Le froid tout gris qui nous appelle
Je me souviens des soirs là-bas
Et des sprints gagnés sur l’écume
Cette bave des chevaux ras
Au raz des rocs qui se consument
O l’ange des plaisirs perdus
O rumeurs d’une autre habitude
Mes désirs dès lors ne sont plus
Qu’un chagrin de ma solitude
Et le diable des soirs conquis
Avec ses pâleurs de rescousse
Et le squale des paradis
Dans le milieu mouillé de mousse
Reviens fille verte des fjords
Reviens violon des violonades
Dans le port fanfarent les cors
Pour le retour des camarades
Ö parfum rare des salants
Dans le poivre feu des gerçures
Quand j’allais, géométrisant,
Mon âme au creux de ta blessure
Dans le désordre de ton cul
Poissé dans des draps d’aube fine
Je voyais un vitrail de plus,
Et toi fille verte, mon spleen
Les coquillages figurant
Sous les sunlights cassés liquides
Jouent de la castagnette tans
Qu’on dirait l’Espagne livide
Dieux de granits, ayez pitié
De leur vocation de parure
Quand le couteau vient s’immiscer
Dans leur castagnette figure
Et je voyais ce qu’on pressent
Quand on pressent l’entrevoyure
Entre les persiennes du sang
Et que les globules figurent
Une mathématique bleue,
Sur cette mer jamais étale
D’où me remonte peu à peu
Cette mémoire des étoiles
Cette rumeur qui vient de là
Sous l’arc copain où je m’aveugle
Ces mains qui me font du fla-fla
Ces mains ruminantes qui meuglent
Cette rumeur me suit longtemps
Comme un mendiant sous l’anathème
Comme l’ombre qui perd son temps
À dessiner mon théorème
Et sous mon maquillage roux
S’en vient battre comme une porte
Cette rumeur qui va debout
Dans la rue, aux musiques mortes
C’est fini, la mer, c’est fini
Sur la plage, le sable bêle
Comme des moutons d’infini…
Quand la mer bergère m’appelle
Autres chansons à écouter sur « J’ai la mémoire qui chante » :
- Félix Leclerc – Demain si la mer
- La Marie-Joseph – Stéphane Golmann
- James Ollivier – Je n’aime pas dormir (Jean Cocteau)
- Jehan Jonas / La Moule
- Jean-Marie Vivier, un auteur-interprète méconnu
- Avec nos yeux – Gilles Vigneault / Claude Léveillée
- Des filles il en pleut – Jacques Douai
- Simone Bartel – A Sainte-Savine (Pierre Mac Orlan)
- La rue s’allume – (L’odeur des roses)
- Jacques Douai – L’amour de moy
- Au clair de la lune
- Jean Arnulf – Point de vue
- Aristide Bruant – A la Roquette (Alexandre Zelkine)
- Raymond Souplex – La biche au bois
- Guy Bontempelli – Ma jeunesse fout l’camp
- Charles Trenet – La mer
- FREHEL – Où est-il donc
- Edith Piaf (Gilles) – Les Trois Cloches
- Mouloudji – Un jour tu verras
- Georges Brassens – « Le Petit Cheval blanc » et « La Corde »
- Boris Vian – Le Déserteur
- Des chansons d’amour oubliées
- Verlaine – Chanson d’automne
- Pauvre Rutebeuf – Léo Ferré
- Victor Hugo – Vieille chanson du jeune temps
- Jean-B. Clément – Le temps des cerises
- Serge Reggiani – La Chanson de Maglia (Victor Hugo)
- Rimbaud – Les poètes de sept ans (Léo Ferré)
Liste complète des chansons déjà publiées
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[…] Source : J’ai la mémoire qui chante… […]
J’ai acheté le double CD de Renée CLAUDE pour la chanson inédite » LA LUNE » admirable chanson, puis à l’écoute j’ai compris que, pour moi, c’était cette grande dame qui est la meilleure interprète, sans oublier son pianiste et arrangeur, car vraiment c’est du FERRE, aucun maquillage ne vient modifier le ton FERRE.
Pour ce qui est du FERRE utilisant d’anciennes partitions, oui c’était un génie de pouvoir « picorer » dans ses écrits, ses partitions et les arrangeait autrement, ce qui est déjà un exploit pour celui qui écoute.
La musique du film » L’ALBATROS » qui habillera RIMBAUD et son BATEAU IVRE mais aussi son dernier CD posthume.
« L’opéra du pauvre » regorge d’exemple et c’est du bonheur, dixit un ami musicien qui était dans l’orchestre jouant pour l’opéra représenté une dizaine de fois, mais aussi dixit moi-même qui a assisté à une représentation fidèle au quadruple vinyle de 1984.
Bon dimanche et pensées pour cette catastrophe ferroviaire épouvantable.
J’adore l’interprétation par Catherine Ribeiro
Bouleversant! Comme tout ce qu’à écrit et chanté Monsieur Léo Ferré! Chapeau à P.Léotard qui le dit d’une façon parfaite!
Votre blog est géant!
Je reviendrais régulièrement
F.
Bonjour Pierre
Je connais bien Léo Ferré son répertoire, et cette magnifique chanson, mais celle-ci interprétée par Renée Claude est d’une beauté infinie, c’est un moment magique sublime, les qualificatifs sont trop peu nombreux pour rendre à cette interprète la magnificence de cette chanson.
D’ailleurs ou peut-on trouver cette version ?
Merci pour votre site,et le soutien à cette belle langue Française dans la chanson qui est un hymne à la poésie et à la beauté.
Jean-Louis
Bonjour Jean-Louis
Je partage votre émotion à l’écoute de cette interprétation de Renée Claude et j’ajoute que j’ai eu le bonheur d’être présent dans la salle du Petit Champlain lors du Tour de chants « On a marché sur l’amour” qui devait donner naissance à l’album d’où est extraite cette pièce.
Vous trouverez cet album de Renée Claude paru en 20 mars 1995 à la FNAC sur cette page:
http://musique.fnac.com/a1225423/Renee-Claude-Chante-Leo-Ferre-CD-album
Cher Pierre, Chers amis de la chanson et de Léo Ferré en particulier,
J’aimerais vous soumettre une sorte d' »expertise » relative à cette chanson.
Voilà : Je ne suis pas musicien mais, connaissant bien l’œuvre de Ferré, j’avais noté, à l’oreille, qu’il avait opéré une sorte de reprise de la mélodie de « La mémoire et la mer » pour une autre de ses chansons « L’Uomo solo »sur un poème de Cesare Pavese. C’est chose très rare chez Ferré, dont la richesse d’inspiration musicale le dispensait d’utiliser ce genre de « doublon ». Dans toute son œuvre parue (et qui est immense!), je n’en note que trois. Celui-ci ( assez « vague », tout de même ) et deux autre, beaucoup plus évident. Pour le second voir, sur ce blogue, la page » Pauvre Rutebeuf « . Quant au troisième je pourrais en reparler si cela vous intéresse.
Pour la petite histoire : J’ai découvert « L’Uomo solo » en 1990, lors de la parution de la compil Barclay ( 11 CD bien copieux). Ce titre figurait dans le CD n° 10 et la notice indiquait qu’il avait été enregistré en 1969 et gravé qu’en Italie. ( Je rappelle que « La mémoire et la mer » a également été enregistrée en 1969 pour l’album « Amour, Anarchie » paru en 70 ). Je n’ai donc pu faire cette relation que 20 ans après. Depuis j’ai lu, entendu et vu des milliers de documents sur Ferré et… jamais une seule remarque sur cette relation. Serait-ce alors une illusion de mes sens abusés ? Je soumets donc à votre attention experte cette petite chose futile (mais ludique!)
Pour la version studio :
http://www.wat.tv/audio/cesare-pavese-leo-ferre-uomo-11waw_2fgqp_.html
Pour un morceau de prestation TV :
Il y a effectivement une très forte ressemblance mélodique entre les deux pièces..
Je ne connaissais pas non plus l’emprunt mélodique de « Pauvre Ruteboeuf » pour la chanson « Cecco ».
Vous avez vraiment, mon cher Jean-Pierre, une oreille bien fine pour avoir mis à jour ces deux « timbres » de Léo. Après tout, Brassens l’a bien fait pour « Il n’y a pas d’amour heureux ».
Et comme je le rappelais dans cet article sur Brassens, les « timbres » ont été utilisés jusque dans les années 50, notamment par les chansonniers qui écrivaient, ou même, improvisaient des couplets d’actualité sur des airs standards, dont le public reprenait les refrains.
J’aime également la version de « la mémoire et la mer » chantée par Anne Gaytan chanteuse belge qui a aussi composé une manifique chanson à la mémoire de Férré « Thank you Férré »
Un autre chanteur a aussi réalisé une version de la » mémoire et la mer » remarquable : Bernard Lavillier
Merci François de votre commentaire. Je ne connais malheureusement pas cette interprétation de « La mémoire et la mer » et je dois vous avouer que je connais pas non plus Anne Gaytan.
Je ne crois pas que cela se trouve facilement sur internet.
Avez-vous une version numérique (en mp3) de cette chanson ? Si oui puis-je vous suggérer de me la faire parvenir (voir la page « Me contacter » pour l’adresse)…
«La lucidité est la blessure la plus proche du soleil.» N’est-ce pas d’Albert Camus?
La Fouine
Non madame la Fouine, cet allégorie poétique est bel et bien de René Char et elle est extraite de « Feuillets d’Hypnos ». Mais j’imagine facilement que Camus a pu écrire des mots qui s’en approche…
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La lucidité est la blessure la plus proche du soleil.
René Char in Feuillets d’Hypnos